Ce billet est l'oeuvre d'un de mes anciens étudiants, outré que je ne connaisse pas les règles du rugby et déterminé à pourfendre cette injustice. Qu'il soit chaleureusement remercié pour le temps investi dans ce billet. "Ayé, j'ai compris".
« Papa, qu’est-ce que c’est… ».
Cette célèbre question, crainte et redoutée par tous les pères du monde (et sans doute ceux d’ailleurs), devient terrifiante lorsqu’ils ne connaissent pas la réponse.
Imaginez donc la réaction de Hervé Valoche lorsque son fils Raoul lui demande « Papa, qu’est-ce que c’est le rugby ? ». De vaines et longues années d’études, le savoir tiré de centaines de livres lus, analysés, assimilés, laissent place à une profonde solitude interne… En effet, une fois n’est pas coutume, Hervé ne connait PAS la réponse.
N’ayant aucune envie de passer pour un vulgaire Achille Talon (érudit sur tout mais incapable de répondre à une question simple telle que « Quel jour sommes-nous ? »), Hervé esquive admirablement la question par un « Et ta dissertation de droit administratif des biens, ça avance ? »
Désireux cependant de ne pas rester invaincu face à son fils, Hervé sollicite l’aide d’une de ses connaissances, Mael, qui accepte bien volontiers de lui expliquer le fonctionnement de ce sport « de brutes joué par des gentlemen » (selon l’adage).
Comme tous les sports le rugby a sa légende. La sienne commence avec William Webb Ellis, jeune élève de la Rugby School (dans la ville de Rugby, comme par hasard), des témoins à la fiabilité moindre ayant affirmé qu’il aurait, au cours d’un match de football en 1832, ramassé la balle à la main pour aller l’aplatir dans les buts adverses. La réalité est sans doute différente mais la légende est belle, d’autant plus que, bien des années plus tard en 1987 (année de la première Coupe du monde de rugby remportée par la Nouvelle Zélande… mais nous y reviendrons), l’équipe victorieuse se voit remettre The Webb Ellis Trophy. Un bien bel hommage au « créateur ».
Après cette brève introduction, les choses sérieuses ont commencé.
Le rugby Niveau 1 (newbie)
Hervé : Je n’ai pas beaucoup de temps… Peut-on définir le rugby en une phrase ?
Mael : Erm… c’est difficile, mais on pourrait tenter un : « Le rugby est un jeu qui se joue à 15, et pendant le match les anglais trichent ».
Hervé : Cette doctrine me rappelle vaguement quelque chose …
Mael : Ne revenons pas sur les mauvais souvenirs de Séville 1982, ce n’est pas le sujet … MAIS SCHUMACHER A CLAIREMENT ATTAQUE BATTISTON !!
Hervé : Ah mais non… je faisais plutôt référence à un résumé de la dernière réunion du Conseil de sécurité. Du calme…
Bref, le rugby à XV (et on ne parlera que de celui-là), se joue à deux équipes de quinze.
Hervé : Logique im-pa-rable…
Mael : Difficile de faire plus simple en effet. Cependant, contrairement au foot – ce jeu de lâches anarchistes où le ballon peut aller dans toutes les directions – le rugby impose aux joueurs le contact physique.
Et pour cause : les joueurs de l’équipe A ne peuvent pas se situer avant celui d'entre eux qui est porteur de la balle. Pour avancer, l’équipe attaquante se doit donc de suivre / soutenir son porteur de balle.
Contrairement au foot donc, la ligne de hors-jeu ne se définit pas au niveau du dernier défenseur, mais bien de la balle en elle-même.
Contrairement au foot, à nouveau, la balle ne peut être passée d’un joueur à un autre que vers l’arrière. Pour aller vers l’en-but adverse, toute l’équipe doit donc avancer en diagonale afin de pouvoir se faire des passes et déborder l’adversaire. Simple jusque là non ?
Hervé : Oui… Vous disiez donc « lâches anarchistes » ?
Le rugby Niveau 2 (débutant)
Hervé : Et comment marque-t-on des points ?
Mael : Excellente question, car le but d’un sport est tout de même de gagner…. Même au curling… c’est dire.
Le rugby possède deux systèmes de points : les essais et les transformations.
Hervé : Deux systèmes de points ? Une approche dualiste comme en droit international ? Mais comment ça ?
Mael : J’y viens, ne soyez pas si hâtif Maître Hervé …
L’essai consiste pour le joueur de l’équipe attaquante à plaquer le ballon sur le sol de l’en-but adverse. C’est parfois très net quand l’attaquant est seul, parfois un peu plus difficile à voir quand il y a beaucoup de monde… Mais nous y reviendrons.
La transformation consiste, elle, à tenter d’envoyer (au pied) la balle entre les montants des poteaux (et au dessus de la transversale). Tout essai donne droit à une tentative de transformation, certaines pénalités aussi… mais là encore, nous y reviendrons …
Hervé : Je n’ai pas été aussi paumé depuis que j’ai tenté de comprendre pour la première fois les réserves aux traités.
Mael : Enfin, autre possibilité, le drop, à savoir une transformation durant une phase de jeu.
Hervé : Les règles de ce jeu sont diaboliques ! Comment compte-t-on ?
Mael : C’est très facile, chaque essai vaut 5 points, chaque transformation d’essai réussie en vaut 2. Un « essai-tranformé » vaut donc 7 points. Les pénalités et les drops en valent 3.
Hervé : Les scores peuvent donc être très élevés…
Mael : En effet, un match Nouvel Zélande – Japon s’est fini à 145 - 17.
Inutile de dire que ce mode de jeu, toujours vers l’avant, favorise des matchs généralement plus rythmés que le foot. De même, les scores peuvent très rapidement changer une victoire en défaite… Encore plus rapidement qu’un France – Italie en 2000.
Hervé : Comment cela ?
Mael : Bah, imaginez un match serré, à 5mins de la fin, le score est de 22 – 27. Si l’équipe à 22 points mets un essai (+5 points), égalité. Si elle transforme (+2 points), elle gagne le match. La tension est à son comble, et c’est cela qui fait les beaux matches, un retour est toujours possible. En 2007, lors du match de coupe du monde France – Nouvelle Zélande, les Français étaient menés 3 – 13 à la pause. Ils ont finalement gagné par un score de 20 – 18.
Hervé : Ce devait être une belle deuxième période.
Mael : Non, c’était un beau match !
Hervé : Mais comment sont répartis les rôles au sein des équipes ? Tout le monde peut être… n’importe où ?
Mael : Bien sûr que non, c’est même très spécialisé. C’est l’objet de mon point infra d’ailleurs.
Hervé : Ah !! Infra ! Enfin un terme familier !
Le rugby Niveau 3 (confirmé)
Mael : Les équipes sont très spécialisées : chacun a son rôle, sa tâche, sa fonction.
Les premières, deuxièmes et troisièmes lignes par exemple sont des Tanks. Leur rôle est d’attraper l’aggro de l’équipe adverse. Ces lignes se caractérisent comme étant des « beaux bébés » (une centaine de kilo chacun environ). Ils sont appelés les Avants et sont numérotés de 1 à 8. Ils forment la mêlée (cf. infra).
Leur but est donc d’être l’opposition frontale qui stoppent les velléités adverses, ou au contraire d’être les béliers qui déchirent le rideau défensif (notamment le n° 8). Leur troisième rôle peut être de créer un « point de fixation » : pour faire simple, essayer d’immobiliser le plus de joueurs adverses pour créer un surnombre, c’est une « zone de ruck ».
Viennent ensuite les demis de mêlée (n° 9) et les demis d’ouvertures (n° 10). Ce sont ceux qui contrôlent le jeu. Le 9 organise, dirige la mêlée (cf. infra). Le n° 10, lui, contrôle et organise le jeu, les phases d’attaques (notamment au niveau des zones de rucks). C’est aussi généralement les 9 ou 10 qui tirent les pénalités et transformations.
Ensuite, les centres (n° 12 et 13), qui sont là pour perforer la défense par leur puissance physique. Ils sont grands, gros, et courent vite.
Hervé : Grand, gros et court vite. Ça me fait penser à ce ju…
Les ailiers (n° 11 et 14) doivent finir l’action engagée par les centres. Ce sont les marqueurs.
Enfin, l’arrière (n° 15), doit être assez polyvalent pour passer en attaque le cas échéant. Son rôle principal reste néanmoins de réceptionner le jeu au pied adverse et de faire une relance.
Hervé : Cela fait beaucoup (trop) d’informations à assimiler…
Mael : Le plus dur est fait ! Il nous faut néanmoins finir.
Le rugby Niveau 4 (expert)
Mael : Le jeu se déroule donc par phases d’attaques successived (parfois plusieurs dizaines). Courses, rucks, replacement, rucks, replacement, rucks, replacement, percée, ruck etc etc.
Hervé : Mais quid des mêlées ?
Mael : Les mêlées sont des conséquences de pénalités. Par exemple, une faute de main (essayer de « voler la balle » à l’adversaire dans une zone de ruck sans avoir les deux pieds au sol ; ne pas se dégager d’un plaquage (pour empêcher la formation de la zone de ruck) etc, etc…
Ces types de fautes permettent d’obtenir une mêlée.
La composition de la mêlée est la suivante :
L’équipe ayant obtenu la pénalité insère la balle au milieu puis les deux packs poussent pour garder ou voler la balle. Le 9 (demi de mêlée) guide la mêlée afin qu’elle ne tourne pas. Il existe des règles particulières, mais faisons simple pour le moment.
Les touches, quand à elle, se disputent en lignes parallèles, l’équipe ayant obtenu la touche ayant le lancer. Celui-ci se fait au milieu, entre les lignes, et que la meilleure équipe gagne.
Pour obtenir la touche, il faut que le ballon sorte du terrain. Attention, lors du jeu au pied, si le ballon sort directement, la touche à lieu à l’endroit du coup de pied. Si le coup de pied à lieu dans les 22m d’une équipe (un dégagement), l’équipe garde le lancer de la touche.
Hervé : Euuuuh
Mael : Pas d’inquiétude, après 2 ou 3 matchs, on comprend facilement.
Le rugby niveau 5 (bonus)
Hervé : Ah non ! Pas un niveau 5 !! J’ai déjà du mal à saisir ce qui a précédé !
Mael : Certaines actions se produisent parfois et je me dois d'en parler, même si elles sont peu importantes.
Hervé : Comme… ?
Mael : Le « mark ». L’équipe d’attaque joue au pied et la balle arrive dans les 22m de l’équipe de défense. Là, le 15 rattrape la balle en l’air, et une fois au sol, il crie « mark ! ». Cela provoque un renvoi au 22m (par jeu au pied).
Ceci permet au 15 de faire un « break » dans l’attaque et à son équipe de se replacer.
Hervé : D’accord, autre chose ?
Mael : Oui. Admettons qu’un joueur de l’équipe de défense soit acculé dans sa zone d’essai, il peut de lui-même aplatir la balle, ce qui provoque également un renvoi au 22.
Hervé : Encore une chose que l’on comprend à force de regarder… ?
Mael : Exactement.
Hervé : Et… vous parliez de la Nouvelle Zélande tout à l’heure, pourquoi ?
Mael : Tout simplement car il s’agit là de la meilleure équipe du monde. L’équivalent du Brésil pour le foot. Comme leur couleur est le noir, qu’ils jouent intégralement en noir, on les surnomme les All Blacks.
Hervé : Sans blague.
Leur haka (la danse polynésienne) est légendaire.
http://www.youtube.com/watch?v=tdMCAV6Yd0Y
Chant guerrier qui justement, annonce le combat à venir.
A noter que les Etats du Pacifique sont quand même parmi les meilleures équipes du monde, mais la première division se compose de 10 pays. Les 6 du Nord (le tournois des 6 Nations) que sont l’Angleterre, la France, l’Irlande, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Italie ; les 4 du Sud (le tournois des Tri-Nation (qui en compte 4…)) la Nouvelle Zélande, l’Australie, l’Afrique du Sud et l’Argentine.
Chaque équipe a son surnom :
La Nouvelle Zélande : les All Blacks
La France : les Bleus
L’Afrique du Sud : les Springbok
L’Angleterre : Le XV de la Rose
L’Argentine : les Puma (même si sur leur maillot il s’agit d’un Jaguar (pas de Puma en Argentine) petite coquille d’un journaliste sportif à l’époque).
L’Australie : les Wallabies
L’Ecosse : le XV du Chardon
Le Pays de Galles : les Diables Rouges ou le XV du Poireau
L’Irlande : le XV du Trèfle
L’Italie : la Squadra Azzurra ou les Azzurri
Hervé : Le « XV du Poireau » ? Et on ne se fiche pas de leur gueule ? Et quid des points forts de notre équipe à nous ?
Mael : Et bien, si chaque équipe a sa spécificité, la France s’honore de son « French Flair » ou « le Beau Jeu » (en français dans le texte) comme disent les Anglo-Saxons. Concrètement, le XV français s’est fait connaître par son jeu fluide, élancé, rapide et très offensif. Mais plutôt qu’un long discours, laissons parler les images :
Donnée perdante face à l’Australie en demi finale de la première Coupe du monde de rugby en 1987, la France sort son plus beau jeu et marque cet essai => http://www.youtube.com/watch?v=JnzNxVpAXQw&feature=player_embedded#!
Mais l’exemple le plus parfait, le plus pur, reste ce qui est surnommé : « L’essai du bout du monde » (The World’s End Try par les Anglais (qui trouvèrent le surnom)) voir « l’essai du siècle » : 1994, finale de Coupe du Monde, match retour de la finale de 1994. Du camp français à la ligne d’essai Blacks en 36 secondes. Attention, ça va très vite.
http://www.youtube.com/watch?v=KU5udRqi09Q
Bon, l’exploit ne suffira pas …
Il est amusant de noter que ce sont les Anglais qui qualifient l’essai de 1994 « d’essai du siècle ». Les autres nations lui préfèrent le suivant :
http://www.youtube.com/watch?v=UVtk7a1OUI8
Il faut dire que ce superbe essai de Saint-André se fait au détriment des Anglais.
Pour conclure, traditionnellement, et comme au foot, la France est belle face aux grandes équipes. Ce qui fait que le XV arrive à battre les Blacks par exemple, comme lorsqu’au foot nous battons le Brésil.
Mais face à d’autres équipes, et par là je veux dire les Anglais, c’est comme si la France perdait ces moyens… Comme contre l’Italie en foot.
Sans se tromper, l’Angleterre et la France sont les meilleures équipes de l’hémisphère nord, et la rivalité millénaire avec notre meilleur ennemi ou notre pire allié (selon le point de vue adopté) se poursuit encore aujourd’hui, notamment à travers le rugby.
Une petite vidéo encore, florilège d’essais français, toujours sur le « french flair » :
http://www.youtube.com/watch?v=UVtk7a1OUI8
Enfin, pour paraphraser les supporters du XV du Chardon : « I support France and whoever play against England » ;)
Billet rédigé par "Mael"